Monsieur,
Il n'y a pas une demy heure que j'ay receu celle qu'il vous a pleu m'escrire
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le 2me d'Aoust2, et suis si heureux qu'au mesme instant je trouve la commodité de vous escrire par un courrier de monsieur de Guébriant3, qui va partir tout maintenant, principalement pour vous faire sçavoir comme que l'on nous a congédiés et cassés avant hyer.Le grand maistre de la court4 nous est venu dire, que Messieurs de Rhellingue5 et d'Erlach6 luy avoit commandé de nous dire que, puisqu'il estoit incertain quand messieurs les frères de feu son Altesse7 envoyeroyent quérir le corps, ils nous faisoyent dire que nous cherchions nostre fortune ailleurs. Et que pour ce qui est de l'exécution de la dernière volonté de feu lad. Altesse que l'on nous en contenteroyent aussy tost que mesd.ts seigneurs les frères en auroyent envoyé la résolution. Que cependant l'on nous donneroit à chacun cent pistoles pour nous retirer chacun là où nous voudrions, moyennant qu'on nous rabatte lad. somme sur les quatre mille richedalers qui nous sont deus par le testament, pourveu qu'il soit approuvé, de sorte que ayant déjà vendu deux de mes chevaulx et congédié mes serviteurs, je m'en vay demain à Basle, et m'y tiendray tant que j'aye vostre résolution touchant ce que vous voulez que je faie.
Je ne puis pas croire, monsieur, que vous soyez d'avis que je demeure avec cette armée, puisque quasi tout le monde la quitte après la perte du prince. Au moins de tous les domestiques il n'y en demeure poinct du tout, et la pluspart c'est déjà retirée. Pour moy bienque presque tous ceux qui vont en France, soyent déjà party et que j'eus eu bonne commodité d'aller avec la compagnie, comme j'eus fait, n'eust esté la lettre que je viens de recevoir de vous, par laquelle vous me dites que vous n'estiez pas encor résolu de ce que vous voulez faire de moy.
Je n'ay pas voulu prendre la hardiesse de m'en aller à Paris sans vostre consentement. C'est pourquoy, monsieur, je me vay me tenir à Basle jusqu'à ce qu'il vous plaira de m'escrire vostre résolution. Ce que j'espère que vous ferez aussy tost que vous aurez receu celle-cy, àfin que ie faie le moins de despens qu'il se peut.
Pour moy je m'estois imaginé que vous seriez d'avis que i'aille servir dans l'armée de monsieur Banier8, ou bien en Hollande, ce qui pourtant n'est pas si apparent que l'autre, pour le juste resentiment que je sçay que vous avez du tort que l'on vous y a fait.
Au moins pour dire la verité, n'ay-ie pas grand envie de servir dans cette armée, quand ce ne seroyt que pour le cruautez et volleries, qui s'y font, de sorte qu'un homme qui ne se voudroyt point mesler de cela, n'y peut poinct vivre de la gage que l'on y donne.
Outre ce qu'il y aye grand apparence qu'aussy tost que l'armée impériale s'avancera, la nostre se débandera selon le jugement de tout le monde. Ce n'est pas, Monsieur, que ie vous veulle préscrire ce que vous ferez de moy, mais seulement
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que ie vous veulle dire mon inclination; après cela vous ne laisserez pas de faire de moy ce que bon vous semblera.Pour la lettre que vous me dictes avoir escrit à monsieur Betz9 pour mon sujet, j'ay peur qu'elle ne puisse parvenir bientost à ses mains, parceque Monsieur Betz e[s]t party hyer d'icy pour aller trouver l'armée qui est asteur bien audessous de Strasbourg, et marche, à ce qu'on dit tout droit du costé de Mayance.
Touchant ce que vous m'escrivez du gouverneur de Benfeld10, assavoir que le cognoissant vous me voudriez recommander à luy, je ne veux pas espérer que vous me voulez mettre dans une guarnison, de laquelle je ne sortirois peut-estre jamais, car hors de sa guarnison ce colonel, qui s'appelle Moser, et a encor esté lieut. colonel il n'y a pas six mois, ne peut chose du monde. Aussy n'est-ce pas mon intention de me tenir à Paris, si vous m'y appellez, mais de chercher ma fortune là où on trouvera bon. J'attendray doncq à Basle vostre résolution, et vous prie encor de vouloir envoyer vos lettre[s] à monsieur Ringler11 à la Cicogne, là où je seray logé, parcequ'elles ne viendroyent pas entre mes mains autrement, la court estant separée.
Je prie Dieu, monsieur, qu'il vous conserve en bonne santé.
Vostre très obéyssant fils
D. de Groot.
à Brisac, le 11 d'Aoust MDCXXXIX.
Adres: A Monsieur Monsieur Grotius, Conseillier et Ambassadeur ordinaire de la couronne de Suède prez du roy très-chrestien à Paris. Au fauxbourg S.t Germain vis à vis du Louvre.
Cito.
Cito.
In dorso schreef Grotius: 11 Augusti 1639. D. de Groot.
Boven aan de brief: Rec. 20 Augusti.
En verder: Uxoris12 literae; Non omnes, qui consilium dant, auctoritatem praestant; Stella13; Longuevilla14; Exercitus sine vitiis non reperitur.