Monsieur,
Je dois responce à vos deux lettres dont la dernière est du 16 courrant2, par laquelle i'appren la suite de ce qui se passe aux Dunes d'Angleterre, et suis en attente avec vous de ce qui en adviendra, croyant que tout réussira au bien des Espagnols si bien appuyez de la faveur d'Angleterre, qui par ces procédures veut contrabalancer la France et Hollande tout ensemble.
Du mariage prétendu3 on ne croit rien icy et veut-on que le différend avec Escosse soit accordé et ensuite d'iceluy l'électeur palatin4 party d'Angleterre chargé d'argent et d'hommes. Mais il arrivera trop tard pour commander l'armée Vinarienne qui a passé son accord avec la France, qui est fort advantageux pour icelles, come l'aurez desià entendu. Le duc de Longheville5, son chef, sera à cest'heur dans le Palatinat vers où tire aussy l'armée impériale pour resister aux nostres. Pendant son esloignement ceux de Hohetvil se pourvoyent du bois et d'autres choses plus nécessaires dont ils en avoint faute.
Nos Suisses romanistes sont assemblez à cest'heur à Lucerne à cause des plaintes que font ceux de Soleure contre les Vinarois, les soldats du colonel Smidberg6 ayans n'aguerres pillez leur moulin et ravagé leur territoire, continuans aussy, à ce qu'ils disent, le mauvais traittement à l'esvèque de Basle7 qui est soubs leur protection, dont les Espagnols se servent fort bien pour les pousser à quelque acte d'hostilité contre nous, travaillans continuellement parmy eux qu'ils renoncent à l'alliance de France et rappellent leur gens du service du roy8, et ça d'autant plus qu'il9 ne leur débou[r]se plus leur pension, ny en faveur d'eux veuille octroyer la neutralité à la Bourgogne à la défense de laquelle ils sont obligez. A cecy s'adjointe la lettre escrite à cheval par les chefs Vinarois aux Suisses, en responce de la leur, disans ouvertement ne vouloir point quitter à leur instance l'esvèché de Basle ny ce qui en dépend come sont les vallées de Münster et Ergau comes les ayans prises par armes, avec lesquels ils les veulent aussy maintenir contre quel que ce soit. Ils en sont certes en grand alarme et appréhendent de iour à autre plus que iamais l'accroissement de la France de laquelle les papistes surtout se destie[n]t extrêmement, mais ne pouvans attirer à leur desseing les
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protestans, ie croy que les efforts des papistes réussiront vains sur tout ores que les armées de l'empereur10 et d'Espagne sont ailleurs occupez. Les protestans sont aussy assemblez à Arau, tous deux partis tendans par une11 certaine fatalité à la division ouverte, qui à la fin causera gran revolution dans leur estat composé de tant de parties plaines des mauvaises humeurs.Le colonel Gouler12 tient encor ce fort de Rhin et le peuple se tient en paix jusques à ce que la neige empêche les Espagnols qu'ils ne puissent venir librement au secours de sa faction. Cependant le terme préfix aux protestans dans la Voltoline s'approche pour en sortir ou apostater come plusieurs par désespoir le font, n'ayans de quoy se maintenir ailleurs et voyans que les Grisons desquels ils avoyent attendu quelque secours les ont plus trahis que les Espagnols mesmes, pour avoir accepté sans aucune nécessité un si meschant traitté, sans obliger mesme les Voltolins rebelles à l'achat de leur[s] biens qui sont ou en friche ou chargés de tailles incroyables pour payer ce que les rebelles ont par l'espace de 20 ans despencé sur des ambassadeurs en Espagne et à Rome et pour le maintien de tant d'armées qui ont esté en Voltoline, ce qui fait une somme incroyable. Je ne vous sçaurois assez exprimer la misère de ces pauvrez gens, qui sont si vilainement trahis par les Grisons lesquels oultre ceux n'ont aucun pouvoir en Voltoline ayans pour leur[s] lieutenans en leur[s] plus hautes charges les plus gran rebelles Espagnolizés qui font tout à leur phantasie contre les protestans. Ce qui a fait que ma femme13 que i'avois par delà despêchée pour pourvoir à ses affaires, s'en retournast icy sans aucun fruict de son voyage qui luy a cousté bien de l'argent, n'y ayant personne qui veille acheter ses fonds en plus gran part en friche ny payer ce qu'on luy doit et dont la somme monte plus qu'à 30m escus. Il faut attendre quelque meilleure saison sans laquelle nous sommes perdus. Pour fin ie vous supplie pour le parachè[ve]ment de ce change de Paris, car ie vous asseure que de ce qu'on m'a envoyé de Hamburg ie ne me suis point retenu que deux cent dalers, ayant payé avec le reste la plus gran part de mes deubtes, dont il en reste encor mille dalers avec l'intérest de 8 et dix par cent, et voudrois que i'en puisse estre désormais quitte tout à faict. Vint mois me demeurent encor en arrière, ce qui est bien grief pour moy qui vis icy parmy une grande cherté, l'avarice des Suisses faisant double le prix de toutes choses, et urna vini mediocriter boni venditur pro 20 florenis. Jugez du reste que si vous me faites pourtant payer le reste qui me doit monsieur Heuf14 vous m'obligeray incroyablement et ie seray à jamais, monsieur,
Vostre serviteur redevable
Marini.
De Zurig, ce 24 d'8bre 1639.
Gallas15 est devenu hydropique.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 16 Nov.
In dorso: 24 Oct. 1639 Marin.