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Monsieur,
Je vous remercie du livre2 que m'avez envoyé contenant de considérations fort exellentes sur le différent qui s'est émeu icy entre les sieurs Amiraus3 et Testard4 de l'une, et le sieur du Moulin5 de l'autre part.
J'ay tousiours creu, qu'en quelque chose ils ont raison les uns et les autres, ceux-là recognoissans un désir sérieux de Dieu de voir convertis ceux auxquels l'évangile est annoncé, et cestuy-cy, que restant cela il faut aller plus avant, et donner à l'homme, à qui Dieu donne une telle grâce, la liberté de s'en servir ou de ne s'en servir pas.
Le sieur de Moulin a raison de dire que les décrets vrayement conditionels des législateurs présupposent quelque pouvoir en ceux auxquelles ils sont proposez, soit que ce pouvoir laysoit dessa et immédiament, soit pour le moins qu'ils ayent moyen de l'acquérir, ou de ne l'empâcher pas comme parle monsieur de la Miletière6, lequel parle bien haut pour la grâce, pour nous rendre humbles, mais toutes fois, quoique soubs de termes foibles, laisse à l'homme tant qu'il suffice pour le rendre vrayement inexcusable s'il ne reçoit ce qui lui est offert.
Il y a en cette controverce certains termes qui différont et ont chacun leur considération qui ne heurtent pas la piété. Il y a ausi parmi la doctrine de quelques-uns des excès si grandes que nous sommes obligez de les combattre, si nous volons avoir soing de nostre salut et de celuy de nostre prochain. Je ne doubte nullement que nostre livre, si plusieurs exemplaires viennent jousqu'icy, ne serve à esclarcir quelques-uns qui ne seront pas trop préveues par les noms de docteurs, par leur propre honneur, ou pour le moins par une longue accoustumance aux sentimens contraires.
Je prie Dieu qu'il continue à vous départir ces dons pour le bien non pas de sectes, mais du corps de l'église chrestienne.
Le Vostre.
A Paris, 28 du May 1638.