Monsieur,
Tout à ceste heur ie vien de recevoir la vostre du 8/18 de May2 et pour responce d'icelle vous diray que monsieur Mukel3 m'escrit d'avoir ordre de monsieur le gran chancelier4 de me payer mes gages, me priant de ne passer plus oultre, estant pourtant contraint de m'arrester icy plus longtemps que ie ne rendrois pas, et moyennant qu'on ne m'abbandonne pas ie supporteray le reste avec patience.
Il y a en Suisse quantité de ministres publiques qui se maintiennent à la grande et moy pour le respect de la couronne qui par ses généreuses actions est si considéble ne puis faire moins que de tenir un escrivain et deux valets comme i'ay fait tousiours depuis que ie suis en ceste charge, et estant encor chargé de famille et ruiné en Voltoline il seroit plus que raisonable qu'on m'assistast un peu mieux
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qu'on n'a pas fait jusques à ceste heur, et vous, monsieur, m'obligeray grandement si reccomandez cest affaire à monsieur Müller5 et la gran chancelier mesme du retour duquel en Allemagne si vous avez quelque asseurance ie vous prie de m'en adviser.Quant aux nouvelles vous sçaurez que Göz6 n'ayant point eu d'envie de se battre avec le duc Bernard7 auprès de Rotvil a pris le chemin du Kinzertal pour secourir Brisac de vivres et les nostres pour luy empêcher ses desseings, luy ayant desià desfait quelques 150 Croates et pris sur luy plus de cent chariots qu'on vouloit ietter dans Brisac qui à cause de la gran disette sera contraint de se rendre ou Göz de se battre. Les Grisons sont en un fort pitoyable estat, dont par le prochain ordinaire8 ie vous sçauray mander beaucoup de particularitez.
La faction Espagnole a fait tout que les chefs de Grisons ont consenty à l'exclusion de la religion protestante dans la Voltoline dont une bonne partie de communautez est fort desgoustée et ne veut approuver l'alliance avec Espagne d'où les factions parmy les Grisons croissent et les menacent d'une nouvelle revolution si l'empereur9 ne la prévient.
Je demeure, monsieur,
Vostre serviteur
Marin.
De Zurig, ce 24 de May s.v.
I'atten vostre advis par qui vous voudriez que i'addressas mes paquets à Paris si l'ambassadeur de France10 et le résident de Venise11 ne sont pas à vostre goust.
Adres (met andere hand): A Monsieur Monsieur Grotius Conseiller de la Séréniss.e Couronne de Suède et son amb.r à Paris.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 16 Iuny.
In dorso: 24 May 1638 Marin.