Monsieur,
Après vostre dernière du 4 d'8bre2 ie n'ay po[i]nt receu d'autres, mais bien deux cent dalers, pour lesquels ie vous ay prié et qui par ordre du sieur Heuf3 m'ont esté desboursés, dont ie vous demeure bien obligé et espère que le reste suivra bientost.
Göz4 s'estant renforcé dereschef des trouppes de Savelly5 et de celles du colonel Kapaun6 venues de Boïme tâche de faire un autre effort contre monsieur de Veimar7 de deçà de Rhin, mais à gran peine fera-il aucun coup, puisque 6m hommes de France sont desià arrivés en Alsace, lesquels en ceste conjoncture viennent bien à propos.
Nos Suisses sont assemblés à Bade où l'ambassadeur de France8 se trouve aussy pour adoucir la jalousie des Suisses papistes contre la France à cause du Rhin qu'ils ne voudroyent pas voir entre les mains du roy9.
Des Grisons on me mande deux advis, l'un qui porte que leurs députés10 n'ayant pas voulu céder le point de la religion en Voltoline estoyent partis d'Espagne sans rien conclurre et in civilibus, l'autre qu'ils ont traitté et conclu tous les points civils au contantement des Grisons, mais quant à celuy de la religion et habitation des protestans on les auroit remis au gouverneur de Milan11 et a Inspruk avec promesse qu'on leur donneroit ordre d'en disposer, selon qu'ils trouveront estre le plus espédient. Mais le retour des députez qui sont encor par chemin nous en esclaircira mieux de tout. Cependant le colonel Janachi12 est passé à Milan pour solliciter la promte restitution de la Voltoline protestant qu'autrement on ne sçauroit retenir le peuple dans la dévotion d'Espagne. Ie veux croire que si
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Brisac est bientost emporté, cela pourra aussy disposer les Grisons à quelque nouveauté.Ie demeure, monsieur,
Tout le vostre
Marin.
En haste de Zurig, ce 1/11 de 9bre 1638.
Un bruict court que le second jeune duc de Savoye13 est mort, et que le cardinal de Savoye14 vint pour se mettre en sa place.
Le duc de Lorraine15 se doit joindre au Göz auquel les vivres viennent de Mayence. Nous craignons qu'il ne prenne un poste dans la Suisse pour attaquer Laufenberg ou Reinfelden. La desfaite du jeune palatin16 est asseurée et son frère Rupert17 prisonner avec beaucoup d'officiers et tout le canon perdu.
In dorso schreef Grotius: 11 de Nov. Marin 1638.