Monsieur,
A mon gran regret i'appren par la vostre du 17 courrant2 que le sieur Heuf3 persiste en l'attente de la ratification de Suède sur ses descomtes, vous ayant néantmoins promis par cy-devant de me contenter aussy tost que les descomtes seroyent conclues. Ie ne vous sçaurois exprimer les incommodités et fâcheries intolerables, que me cause ce retardement, ne pouvant ny satisfaire pour le moins en partie à mes créanciers, ny me faire penser conforme l'advis des medicins, languissant pourtant incroyablement parmy tant de difficultés, que ie prie Dieu me vouloir convertir en une heureuse fin. S'il y a quelque pitié de moy ie vous supplie de faire tant envers luy qu'il m'assiste au plustost de quelque partie, car il y a desià plus de 4 mois qu'il m'a envoyé les derniers deux cent dalers, dont ie me suis pourveu des vivres pour deux mois et à cest'heur vive dereschef ex mutuo incontemtu et ludibrio hominum, qui sane mirari satis non possunt quod adeo turpiter deserar, cum nihilo secius omnibus constat me esse exulem et non posse functionem publicam sustinere sine stipendio exacte soluto. Surtout i'en sens des plaintes bien sensibles de ma femme4 qui certes me percent le coeur, sçachant que ie suis cause de sa ruine sans y pouvoir remédier tant que mon argent n'arrive. I'auray encor patience jusques à S. Jean5 et si pendant ce temps on ne m'aura contenté saltem ex parte il faudra que ie face quelque fin moy mesme à ma charge, deusse-ie partir d'icy malade et en mendiant aller jusques à Paris, car il m'est impossible de continuer plus de telle façon, estant endébité jusques aux oreilles et ayant fait jusques à cest'heur plus de despence que mon gage ne porte, à cause des intérests, qui croîssent en bonne somme journellement. Nunquam magis me sibi obstrinxerit Magnitudo vestra quam si hoc rerum statu aliquid pecuniae pro me ab Heufio extorserit, quod etiam mihi polliceor.
Nos ambassadeurs Grisons6 sont de retour d'Espagne et ceste sepmaine debvront faire leur relation à Coire et mander d'autres députez à Milan pour y traitter avec Leghanes7 sur le suject de la Voltoline que les Grisons voulant ravoir avec la religion mesme, point que troublera toutes ces négotiations d'Espagne.
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De Milan on veut cependant envoyer 2 mille à pied et 1200 chevaux par les petis cantons au secours de la Bourgogne, mais les Bernois ne voulant donner le passage qu'à la file et sans armes hautes; ce leur servira peu de chose.
Par le prochain ordinaire8 ie vous escriray plus amplement, estant à cest'heur plein de tristesse qui me rend du tout incapable aux functions d'esprit.
Ie vous baise les mains et demeure passionnément, monsieur,
Vostre serviteur redevable
C. Marini.
I'escris aussy sur mon particulier en Suède et à monsieur Heuf.
De Zurig, ce 23 de May s.v. 1639.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 14 Iuny.
In dorso: 23 May 1639 Marini.