Monseigneur,
Ie me sens infiniment honoré de l'honneur de vostre souvenir et m'estimerois heureux de me pouvoir dignement acquiter de mon devoir que ie vous dois, et pour en rendre quelque petite preuve vous donner quelque nouvelle aggréable. Ce que si ie n'execute pas bien il plaira à vostre Excellence de croire que nous n'en avons guères. Pourtant celle-là, que nous espérons que ce trouble, touchant la nouvelle dace, s'appaisera bientost, veu que le bruit court que l'assemblée des commissaires de la République2, laquelle estoit assignée pour le 12 de ce mois, ne se tiendra pas. Et quoy qu'elle se tienne, la pluspart des commissaires ne s'y trouveront pas, tant pour ce qu'il y en a qui sont employez ailleurs, comme le général Koniecpolsky3 et autres, tant pour des raisons particulières.
Nos députez4 sont partis il y a dix iours pour Varsau, à celle fin d'offrir à Sa Maiesté5 tout le contentement qui pourroit dépendre de la ville, mais avec très humbles prières qu'il pleust à Sa Maiesté de vouloir désister de la demande de ceste nouvelle dace, si mal voulue de tous les voisins. Au reste qu'ils seroient bien aise d'entendre par quelque commissaire de Sa Maiesté envoyé à la ville quelque moyen d'accommodement.
Le parti des Cosaques Zaporowsciennes se fortifie grandement, ils ruinent et ravagent une bonne partie de la Pologne qui leur est voisine. Vray est que le
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général Koniecpolsky en a battu près de six mille, ils ne laissent pas pourtant d'estre fort considérables. Ils se sont souslevez à cause qu'on leur avoit osté quelques églises - ils sont tous de la religion grecque - et privilèges qu'ils prétendoient d'avoir. A la diette passée on décapita leur chef6 et quelques autres principaux officiers d'entr'eux, ce qui les aigrist davantage et pour se revanger donnèrent au fils7 de leur général décapité l'office qu'avoit son père.La famine est si grande au pais de Volin et à l'entour et plus avant dans la Pologne à cause de la grande sécheresse de ceste année en ce pays-là, que beaucoup de gens meurent du faim. Icy et au pais voisin Dieu mercy les bleds sont en bon estat, ce qu'avec l'aide de Dieu, nous n'avons à craindre ce désastre-là.
L'évesque de Culm, monseigneur Lipsky8, qui fust envoyé l'année passé avec des autres seigneurs pour guérir et conduire la reyne9 en Poulogne, a esté pourveu depuis peu de l'archevesché de Gnesne et du primat de Pologne.
Hier vient nouvelle que trois mille Suédois estoit débarquez en Poméranie et qu'on en attendoit encore neuf mille hommes effectivement. San ce secours le général Bannier10 ne pourra pas sortir en campagne ceste année.
Je suis, Monseigneur,
de Vostre Excellence le très
humble serviteur.
Jasky mpp.
A Danzig, le 15 de Iuillet l'an 1638.
Adres: A Monsieur (M)onsieur De Groot, (A)mbassadeur ordinaire de la couronne de Suède à la cour du roy Treschrestien A Paris.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 19 Augusti.
En in dorso: 15 Iuly 1638 Jaski.